Déportation des Acadiens, le 10 septembre 1755.

Lawrence, Winslow, Murray, voilà trois noms qui rappellent l'histoire la plus lamentable du continent américain.  Ces trois misérables, après s'être concertés, ordonnent à tous les habitants de Grand-Pré et des bourgs voisins de se réunir, le 5 septembre, dans l'église de Grand-Pré, pour recevoir des recommandations importantes de Sa Majesté à propos de leurs terres.  Ceux qui s'absenteront de cette réunion verront leurs biens meubles et immeubles confisqués.

À 3h, 418 Acadiens étaient réunis. Les soldats anglais, baïonnette au canon, entourent l'église.  Winslow prend place dans le chœur et fait traduire par un interprète l'adresse qu'il a préparée. 

Voici la dernière partie de cette révoltante communication :
" ... Grâce à la bonté de Sa Majesté, j'ai reçu l'ordre de vous accorder de prendre avec vous votre argent et autant de vos effets que vous pourrez emporter...Je comprends que cette déportation doit vous causer de grands ennuis... J'espère que dans quelque partie du monde où le sort va vous jeter, vous serez des sujets fidèles, paisibles et heureux."

Le 10 septembre 1755, eut lieu le premier embarquement des prisonniers.

Voici comment l'abbé Casgrain raconte le début de cette lugubre odyssée :
" Dès le matin, des foules de femmes et d'enfants, venus de toutes les directions, depuis la rivière Gaspareau jusqu'à Grand Pré, des vieillards décrépits, des malades, des infirmes, des mères portant leurs nouveaux-nés dans leurs bras, étaient poussés vers Grand Pré par des escouades de soldats sans pitié.  Le chemin qui conduisait à travers cette grande plaine, jusqu'au bord de la digue où se faisait l'embarquement, fut bientôt tout grouillant de cette masse d'êtres faibles et désespérés, qui avaient peine à se mouvoir, au milieu du tumulte et de la confusion générale.  Des invalides, des faibles femmes chargées de fardeaux tombaient de fatigue le long de la route et ne se relevaient que sous les menaces ou devant les baïonnettes.  Les uns s'avançaient mornes et silencieux, comme frappés de stupeur, les autres en pleurant et en gémissant, quelques-uns en proférant des malédictions; d'autres enfin, pris d'une exaltation pieuse, murmuraient des cantiques, à l'exemple des martyrs."

À ce spectacle, Winslow, se sent enfin ému; touché de remords, il écrit dans son journal :
"J'en ai pesant maintenant sur le cœur et les mains." 
Murray, son complice, qu'il ne faut pas confondre avec James Murray, le gouverneur anglais de Québec, ne se laissa pas émouvoir, loin de là!  Il écrit à Winslow :
" Aussitôt que j'aurai dépêché mes vauriens, je me donnerai le plaisir d'aller vous voir et boire à leur bon voyage."
Il en expédia 1,100.

Élie de Salvail, fec, 366 Anniversaires Canadiens, 1929.