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LES FABRE À LA TV. Joseph Fabre==Jos Montferrand.
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LES FABRE À LA TV. Joseph Fabre==Jos Montferrand.
doyen a écrit:Joseph Fabre==Jos Montferrand.
Jos. Montferrand, de la légende à la réalité
Par MICHEL PRÉVOST, archiviste en chef de l'Université d'Ottawa et président de la Société d'histoire de l'Outaouais
L’Outaouais a le privilège d’être associé à une figure légendaire dont la renommée dépasse largement nos frontières, Joseph Montferrand, dit Fabre, mieux connu sous le nom de Jos. Montferrrand. En Amérique du Nord, le héros porte également le nom de Montferan, Mouffreau, Mufferon, Maufreee et Murphy. Bien qu’il soit étroitement lié à l’histoire de notre région, le bûcheron, draveur, contremaître, cajeux et surtout homme fort n’est pas originaire d’ici. Il y passera toutefois la moitié de sa vie, attiré par l’industrie forestière qui s’avère le moteur économique et de développement de l’Outaouais au xixe siècle. C’est là qu’il entre dans la légende puisqu’il est impossible aujourd’hui de savoir lesquels de ses exploits et prouesses relèvent du folklore et de l’histoire.
Montferrand vers 60 ans, ANQ-Outaouais, v12-7, fonds Ville de Hull.
Le coq du faubourg Saint-Laurent
Joseph Montferrand naît, le 25 octobre 1802, à Montréal dans une famille modeste. Il est le fils de Joseph Favre, dit Montferrand, voyageur, et de Marie-Louise Couvret. Jos. est le troisième de la lignée des Montferrand. Son grand-père, François Favre, dit Montferrand, un soldat dans les troupes du chevalier de Lévis, s’était établi à Montréal après la Conquête. Reconnus pour leur grande taille et leur force herculéenne, les Montferrand jouissent d’une renommée dans les quartiers populaires de la métropole. Il faut dire qu’à cette époque on voue une véritable admiration pour les hommes forts.
Jos. Montferrrand va grandir dans le faubourg cosmopolite de Saint-Laurent où l’on retrouve plusieurs salles de boxe et tavernes. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que Montferrand excelle à la boxe anglaise où les pieds viennent en aide aux poings.
Jos. Montferrand. Illustration de W. M. Macdonnel, tirée d'un article de Wilfrid Laurier.
Les exploits de Montferrand commencent dès l’âge de 16 ans. En 1818, il rosse trois fiers-à-bras qui terrorisent son quartier. À la même période, il relève devant ses admirateurs le défi d’un boxeur anglais qui s’était proclamé champion. Il faut dire qu’avec ses six pieds et quatre pouces (près de deux mètres), une grandeur exceptionnelle au xixe siècle, le géant ne s’en laisse pas imposer, d’où son surnom de « coq du faubourg Saint-Laurent ».
En 1820, Montferrand quitte Montréal pour Kingston où il exerce son métier de charretier. Ses prouesses musculaires lui valent rapidement la célébrité et on dit « qu’il frappe comme la ruade du cheval et manie la jambe comme un fouet ».
Fasciné par les voyageurs de l’Ouest qu’il fréquente dans les tavernes, le charretier s’engage en 1823 pour la Compagnie de la baie d’Hudson. On ne sait rien de lui au cours des années qu’il passe au service de cette compagnie qui contrôle une grande partie du commerce des fourrures de l’Amérique du Nord.
La vie de Montferrand prend un tout autre tournant en 1827 lorsqu’il commence à parcourir les forêts et les rivières des Laurentides et de l’Outaouais. Tour à tour, il est bûcheron, draveur, contremaître de chantier, guide de cages et homme de confiance de ses patrons anglophones, notamment Joseph Moore, Baxter Bowman et Allan Gillmour, trois barons du bois. En fait, pendant trente ans, Montferrand est associé à l’exploitation des forêts qui domine largement le développement économique de l’Outaouais durant tout le xixe siècle.
Portrait anonyme de Benjamin Sulte. Gravure, Le monde illustré, vol. 4, no 186, 26 nov. 1887, p. 237.
Dans les chantiers de l’Outaouais
En s’établissant en 1800 sur la rive nord de la rivière des Outaouais, Philemon Wright, propriétaire terrien de la Nouvelle-Angleterre, rêve d’établir une grande colonie agricole en Outaouais. Il comprend toutefois rapidement que le patrimoine forestier de la région peut servir la Grande-Bretagne, bientôt victime du blocus continental de Napoléon 1er. En 1806, un premier train flottant de pin blanc, de pin rouge et de chêne, composé d’environ 50 radeaux, quitte la région pour le port de Québec. Le fondateur de Hull ne se doute alors pas qu’il vient de changer l’avenir de la région. Après des débuts difficiles qui s’expliquent en partie par l’instabilité des marchés et le manque de capitaux, l’Outaouais devient, au milieu des années 1820, la plaque tournante de l’exportation forestière en Amérique du Nord. Comme le souligne Chad Gaffield, trois tendances caractérisent le développement de cette industrie : une demande britannique croissante pour le bois d’œuvre, le développement d’un marché américain pour le bois de charpente et un marché local pour le bois de sciage.
Bien que le bois équarri soit à l’origine du développement phénoménal de l’industrie forestière en Outaouais, à l’époque de Mondferrand, il ne faut pas croire que les entrepreneurs se contentent seulement de couper les grands arbres et d’exporter le bois sur des cages au port de Québec. En effet, on transforme également cette ressource grâce à un réseau de scieries et de manufactures, ce qui permet aux marchands d’exporter sur les marchés internationaux des douves en chêne, des mâts, des avirons, de la potasse et des grands madriers de pin. Entre 1830 et 1840, la vallée de l’Outaouais en produit près d’un million de pièces. Enfin, il ne faut pas oublier la demande domestique pour le bois de construction et de chauffage.
En somme, à cette période, le bois constitue un véritable Éden pour l’Outaouais et il contribue à son développement économique et démographique. Contrairement au début du siècle, les investisseurs, les marchands, les colons et surtout les ouvriers spécialisés et non spécialisés sont de plus en plus attirés par l’âge d’or de l’industrie forestière. Entre l’arrivée de Montferrand et son départ de l’Outaouais, la population de la région passe de 2 488 à quelque 40 000 habitants.
Les exploits et prouesses de Montferrand
Tous s’entendent pour dire que Jos. Montferrand aimait bien sa vie errante qui l’amenait à passer son existence dans les chantiers, les ports et les tavernes où régnait surtout la loi du plus fort et où les costauds de chaque groupe ethnique devaient défendre l’honneur des leurs. Comme le note si bien Gérard Goyer et Jean Hamelin : « Montferrand, parce qu’il était le plus fort et le plus souple, était roi. Mais tout roi qu’il était, il devait sans cesse défendre sa couronne. Aussi, à plus d’une reprise dut-il relever des défis ou se sortir de guet-apens ».
Montferrand vers 60 ans, ANQ-Outaouais, v12-7, fonds Ville de Hull.
En analysant la culture des travailleurs forestiers de l’Outaouais dans la première moitié du xixe siècle, on comprend facilement l’attrait de Montferrand pour ce mode de vie. En effet, notre héros baigne dans une culture masculine étroitement liée aux épreuves physiques, à la rudesse, aux défis, et souvent à la violence. Ces affrontements mettent en valeur la force, l’habileté et le courage. Or, ces trois « qualités » très valorisées dans son milieu de travail, Montferrand les possède plus que tout autre et c’est ce qui lui confère son prestige.
En fait, on ne compte plus les exploits réels ou imaginaires attribués à la force herculéenne et à la grande adresse de Montferrand. Par exemple, il aurait battu en 1828, à Québec, devant une foule considérable, un champion de la marine britannique, alors qu’en 1832, lors d’une élection partielle à Montréal, il aurait mis en déroute toute une bande de fiers-à-bras qui s’attaquaient à son ami Antoine Voyer. On dit qu’il pouvait lever à bout de bras et d’une seule main une charrue. Enfin, à Bytown, Montferrand, doué d’une agilité incroyable, aurait laissé son empreinte de pied au plafond d’une taverne de la promenade Sussex. Il aurait fait de même à l’hôtel British d’Aylmer.
De tous les hauts faits de notre athlète, le plus extraordinaire demeure sa légendaire bataille sur le pont Union en 1829 (aujourd’hui le pont des Chaudières). Ce pont, le seul lien terrestre entre Wrightown et Bytown, est alors le théâtre d’un conflit qui oppose des fiers-à-bras irlandais, les Shiners, aux Canadiens français. Les deux groupes se disputent âprement la main-mise sur les emplois dans l’industrie forestière de la vallée de l’Outaouais. Les bagarres entre les deux groupes ethniques sont fréquentes et un climat de violence règne dans la région, particulièrement dans le secteur de la chute des Chaudières où des fiers-à-bras contrôlent le pont. C’est là que le chef incontesté des Canadiens français tombe dans une embuscade et met en déroute 150 Shiners. Selon le récit fait par l’historien Benjamin Sulte, la scène est horrible. Plusieurs des attaquants se retrouvent à l’eau, alors que le sang coule du parapet dans la rivière des Outaouais. Enfin, d’autres prouesses de ce genre durant la guerre des Shiners, dont sa victoire contre les sept frères MacDonald qui lui barraient la route sur ce même pont, font dire à Robert Choquette que Montferrand est « le David qui abat Goliath irlandais sur l’Outaouais entre 1829 et 1840 ».
Après 1840, les exploits de Montferrand se font plus rares. Par ailleurs, il ne parcourt plus les chantiers de l’Outaouais en hiver comme autrefois. Maintenant, il dirige, au printemps et à l’été, les cages de bois équarri qui descendent la rivière des Outaouais et le fleuve Saint-Laurent jusqu’à Québec. Ce travail demeure tout de même très exigeant puisque ces immenses trains de bois peuvent atteindre 500 mètres et être montés par un équipage de 80 cajeux, connus aussi sous le nom de « raftsmen ».
Retraite rue Sanguinet, à Montréal
Vers 1857, la figure légendaire quitte l’Outaouais pour se retirer dans sa maison de la rue Sanguinet, à Montréal. On le dit à l’aise financièrement puisque son salaire de contremaître lui avait rapporté trois fois plus que celui d’un bûcheron. L’ancien « coq du faubourg Saint-Laurent » a toutefois perdu de ses plumes. En effet, à 55 ans, il est diminué physiquement par le rhumatisme qui l’a rendu voûté. Même affaibli, il garde néanmoins son statut de héros.
Au printemps 1864, Montferrand, veuf de Marie-Anne Trépanier, épouse Esther Bertrand. Il meurt dans sa ville natale, le 4 octobre 1864, à l’âge de 61 ans. Montferrant laisse une descendance, puisque sa deuxième épouse lui donnera un fils posthume, Joseph-Louis, qui héritera de la même stature que ses ancêtres. Avec ses neuf enfants, Joseph-Louis laisse une nombreuse descendance, dont l’aîné, Joseph, qui connaîtra une certaine notoriété comme boxeur au début du xxe siècle.
La légende du grand Montferrand
Jos. Montferrand entre dans la légende bien avant sa mort. Goyer et Hamelin soulignent qu’il est sans doute avant les années 1840 « un héros dont on grossissait les exploits aussi bien dans les tavernes et les camps de bûcherons qu’à la maison ». Après la tradition orale, plusieurs prosateurs vont contribuer à grandir la vie et les prouesses de Montferrand. Dès 1868, Wilfrid Laurier écrit : « Aucun nom après celui du grand Papineau (Louis-Joseph) n’a été plus popularisé, partout où, sur la terre d’Amérique, se parle la langue de France ». Après Laurier, plusieurs vont immortaliser le géant de l’histoire orale, notamment Benjamin Sulte et André-Napoléon Montpetit par l’imprimé, Mary Travers (La Bolduc) et Gilles Vigneault, par la chanson, ainsi que Louis Guyon, par le théâtre.
En plus des prosateurs, les récits des bûcherons et les écrits distribués par des compagnies forestières font circuler la légende de Montferrand à travers les forêts, de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique. De plus, les quelque 900 000 Québécois qui s’installent entre 1840 et 1930 chez nos voisins du Sud contribuent à le faire connaître, particulièrement en Nouvelle-Angleterre, après 1870. Au tournant du xxe siècle, la réputation de Montferrand se répand aussi dans les camps forestiers du Michigan, du Wisconsin et du Minnesota. On est alors bien loin des chantiers de l’Outaouais!
Au fil du temps, l’histoire orale et tous les récits à son sujet confèrent à notre figure légendaire un statut de surhomme possédant toutes les qualités. Ainsi, Montferrand est grand, fort, beau, bon, pieux, poli, aimant, dévoué, chaleureux, sage, gentil, généreux, fiable, juste, intelligent et responsable. En réalité, plus que tous les autres hommes forts de son époque, Jos. Montferrrand s’avère être celui qui a le plus polarisé l’imaginaire au point d’en faire un modèle et même un mythe.
Pour Goyer et Hamelin ce phénomène réside dans la personnalité même du héros, le lieu de ses exploits et le moment où il a vécu. D’abord, Montferrand, doté d’une belle prestance physique, s’avère être de son vivant un personnage des plus attachants. Ensuite, comme nous l’avons vu, il réalise ses exploits en Outaouais où les tensions entre Irlandais et Canadiens français et entre commerçants anglais et colons francophones sont vives. C’est dans ce contexte que Montferrand devient un symbole de l’idéal de l’idéologie nationaliste basée sur la foi et la langue. Enfin, le héros réalise ses exploits dans les décennies tourmentées qui voient disparaître les coureurs de bois et les voyageurs, de même que l’écrasement des Patriotes en 1837-1838 par les troupes britanniques. Montferrand devient alors le personnage tout désigné pour servir à un peuple inquiet à la recherche d’un symbole sur lequel il peut projeter ses peurs et ses rêves. Goyer et Hamelin résument ainsi la place unique qu’occupe Montferrand dans notre folklore : « Dans la lutte qu’ils devaient continuer de mener contre l’Anglais et contre la nature, les Canadiens français trouvèrent dans la légende de Montferrand des raisons d’espérer et de se valoriser ».
Conclusion
Il faudrait être bien naïf aujourd’hui pour croire à toutes les prouesses de Montferrand. Pour nous, son plus grand exploit est le fait qu’il demeure, plus deux siècle après sa naissance, bien vivant dans notre mémoire. En 1980, Jean Côté publie chez Québécor un roman historique au titre évocateur de Jos. Montferrand, le magnifique (réédité en 1994). En 1989, le Théâtre lyrique de Hull souligne son 25e anniversaire en présentant, au Musée canadien des civilisations, la comédie musicale La légende de Jos. Montferrand. Postes Canada immortalise en 1992 l’image du plus célèbre bûcheron du pays en lui consacrant un timbre commémoratif. En 2001, Montferrrand s’est retrouvé sur la liste des six finalistes pour le nom de la nouvelle ville fusionnée en Outaouais (Hull, Gatineau, Aylmer, Buckingham et Masson-Angers). Montferrrand a toutefois perdu ce combat puisque la nouvelle ville s’appelle Gatineau. Cela dit, le palais de justice de Gatineau porte toujours le nom de Montferrand, bien que ce choix ait été critiqué lors de son inauguration en 1978. En effet, certains magistrats se sont alors objectés à cette décision en estimant qu’il n’était guère approprié de nommer leur palais de justice en l’honneur d’un individu qu’ils considéraient plutôt comme « un pilier de tavernes ». Certes, sans nier que Montferrand aimait bien fréquenter ces lieux, nous croyons qu’il mérite bien plus le titre plus glorieux de « roi des forêts de l’Outaouais ».
Source : Benjamin Sulte, Jos Montferrand, 1883, dans Mélanges historiques, vol. 12, Montréal, G. Ducharme, 1924, p. 32.
PS==On le retrouve aussi sur le net au nom de FAVRE ou FABRE.
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