Poitras, Soeur Laurette, (Soeur Marie-Ange)

Publié le 08 avril 2012 à 05h00 | Mis à jour le 08 avril 2012 à 05h00
Carnet de voyages d'une centenaire

Soeur Marie-Ange, de son vrai nom Laurette Poitras, vient de célébrer son 100e anniversaire. Lorsqu'elle était adolescente, elle rêvait de faire le tour du monde. Après 48 ans d'exil, elle aura réalisé son rêve.
Photo collaboration spéciale Johanne Fournier

Johanne Fournier, collaboration spéciale
Le Soleil
(Sainte-Anne-des-Monts) Même si elle ne croyait pas vivre aussi longtemps parce qu'elle avait une santé plutôt fragile, Laurette Poitras de Sainte-Anne-des-Monts, en Haute-Gaspésie, a pourtant un siècle de vie assez singulier à raconter. La religieuse, connue sous le nom de soeur Marie-Ange, a célébré son 100e anniversaire le 5 mars au sein de sa communauté, les Soeurs de Saint-Paul-de-Chartres. Après 48 ans d'expérience missionnaire, elle a réalisé son rêve de jeunesse: celui de faire le tour du monde.
Bien qu'elle soit un peu dure d'oreille, soeur Marie-Ange a l'oeil vif. Alerte et parfaitement lucide, elle fournit avec précision les dates et les noms des gens qui composent ses 100 ans de souvenirs. Sa diction impeccable trahit tout autant sa vaste expérience de professeure de français et de traductrice que ses longs séjours à l'étranger.
La jeune Laurette était la deuxième d'une famille de 10 enfants. Lorsqu'elle a atteint l'âge de 15 ou 16 ans, sa mère lui a dit souhaiter qu'elle devienne religieuse. «Mais moi, je ne voulais rien savoir», s'empresse de dire Laurette Poitras. «Il n'en était pas question! Comme j'aimais la géographie, je lui ai dit que je voulais faire le tour du monde. Ma mère m'a alors demandé où je prendrais l'argent. Je lui ai répondu que je trouverais bien le moyen.»
Le moyen pour parvenir à ses fins a été de devenir... religieuse. À 20 ans, après avoir obtenu son brevet d'enseignante, elle fait son entrée chez les Soeurs de Saint-Paul-de-Chartres à Sainte-Anne-des-Monts. Sa soeur aînée, Annette, avait intégré la communauté sept mois plus tôt. «J'ai dit à ma soeur supérieure que j'entrais en religion pour devenir missionnaire et que je voulais partir tout de suite», relate-t-elle.
Son tour du monde
La première mission de soeur Marie-Ange a été au Japon afin d'aller enseigner le français. Mais ce qu'elle ne savait pas avant de partir, c'était que le pays était en guerre. Après sept ans au pays du Soleil levant, elle est envoyée dans un camp de concentration. «On ne mangeait pas très bien, se souvient-elle. On mangeait de la baleine. C'était gras. Ce n'était pas bon. Mais on n'était pas maltraités.»
Après deux ans de réclusion, elle tombe malade. Une intervention chirurgicale s'impose. Mais il n'est pas question, pour sa communauté, qu'elle soit opérée par un médecin japonais. «C'était l'ennemi», rappelle-t-elle.
Elle embarque donc sur un navire américain qui la ramènera au Canada. Pendant ses trois mois en mer, elle fait des escales aux Philippines, en Chine, au Viêtnam, en Inde, en Afrique, au Chili et à Rio de Janeiro. Pendant ce long périple, sa soeur Annette, elle aussi religieuse, meurt en France à l'âge de 33 ans. Laurette ne l'apprendra qu'à son retour au bercail.
Seize ans après son retour au Québec, la missionnaire repart, mais cette fois-ci pour la France. Un an après, elle retourne au Japon. Ce dernier séjour à Tokyo durera 17 ans, avant que la communauté lui confie le rôle d'interprète à Rome pendant 22 ans, où elle aura à faire la traduction du japonais au français.
Nouvelle passion à 87 ans
Elle prend sa retraite des missions à l'âge de 84 ans en revenant dans sa Gaspésie natale. À 87 ans, elle se découvre un talent : elle commence à créer des oeuvres avec des plumes d'oiseau provenant de Cacao, en Guyane, qu'elle avait conservées pendant plus de 40 ans. Ses tableaux feront très vite l'objet d'expositions. Ensuite, elle fabriquera plus de 500 cartes à partir des mêmes matériaux. Tous les profits sont versés aux enfants pauvres du Viêtnam.
Cet hiver, soeur Marie-Ange a fait une pause. Même si elle déplore une diminution de l'agilité de ses doigts depuis un accident vasculaire cérébral dont elle a été victime il y a deux ans, il n'est pas question de prendre sa retraite d'artisane. «Je veux recommencer quand il fera beau», s'entête-t-elle à dire.
Le 16 juillet, Laurette Poitras célébrera ses 80 ans de vie religieuse.

Par Dominique Fortier
Jeudi 8 mars 2012 08:59:00 HNE

Le 5 mars, Sœur Marie-Ange a célébré ses 100 ans en plus de souffler ses 80 bougies d'engagement chez les sœurs de Saint-Paul-de-Chartres.
Sœur Marie-Ange ne fait pas un siècle d'existence. 75 ou 80 ans au plus. Mis à part des petits troubles auditifs et quelques pilules d'usage pour cet âge vénérable, Sœur Marie-Ange est encore en santé et surtout active. Toute rayonnante et souriante, la centenaire a pris plaisir à jaser longuement de sa vie et ses aventures qui l'ont amenée aux quatre coins du globe.
La vocation religieuse était loin dans les plans de Laurette Poitras en 1932. À peine âgée de 20 ans, la jeune femme rêvait de faire le tour du monde. « Ma mère voulait que je devienne sœur. Même le curé faisait des pressions sur moi en ce sens. J'étais découragée ! »
Laurette Poitras finit par céder et s'engagea avec la congrégation de Saint-Paul-de Chartres où elle fit la demande pour devenir missionnaire. Son vœu fut exaucé et on envoya la jeune femme au Japon pour enseigner le français.
Camp de concentration
La situation au Japon n'était pas au beau fixe et les Canadiens étaient perçus comme des ennemis à cette époque. Sœur Marie-Ange et d'autres collègues en mission avec elles furent alors placées dans un camp de concentration. Les conditions de vie n'étaient pas idéales pour les missionnaires qui étaient 70 à partager un dortoir et respecter les horaires très stricts de sorties. « Heureusement que nous étions protégées par des officiers japonais. Mais les journées étaient longues, il n y avait pas grand-chose à faire à part parler et faire des petites promenades. », raconte Sœur Marie-Ange. « Il y a eu une certaine Miss Carter, je crois. Ou Curtis qui m'avait pris sous son aile. Elle me demanda d'enseigner le français à l'intérieur du camp de concentration. »
Cette période s'étira sur quelques années puis elle tomba malade. Elle dut être hospitalisée puis opérée. Il était temps que Sœur Marie-Ange revienne au Québec. « J'ai eu la chance d'embarquer sur un bateau américain qui devait accoster à New York. Ce fut un long périple qui nous fit passer par les Philippines, le Viêtnam, la Chine avant de faire un arrêt prolongé au Brésil. « Je n'ai jamais eu peur, je savais que nous étions protégées. », ajoute-t-elle. Sœur Marie-Ange se rappelle qu'à un moment donné pendant son «séjour» en camp de concentration, elle a eu la permission d'écrire une lettre de 100 mots. « C'est probablement cette lettre qui a trouvé une oreille et qui m'a permis d'embarquer sur le navire américain.
C'est finalement en 1943 après plusieurs mois sur un bateau que Sœur Marie-Ange réintégra sa communauté religieuse au Québec.
Traductrice à Rome
Les aventures de la religieuse issue d'une famille de 10 enfants étaient loin d'être terminées puisqu'elle fut envoyée à Rome à titre de traductrice pour les soeurs japonaises lors des sessions internationales puis pour le Noviciat, ce dernier étant une initiation à la vie religieuse. Ces voyages annuels se sont échelonnés sur plus de 40 ans. La congrégation de Saint-Paul-de-Chartres avait bien précisé qu'elle n'avait pas envie de voir Sœur Marie-Ange s'exiler trop longtemps. « On va vous la prêter, mais elle revient ici ! »
Toujours missionnaire
Malgré son âge vénérable, Sœur Marie-Ange continue sa mission à sa manière. Elle créé des cartes de souhaits faites à partir de plumes d'oiseaux. Des plumes de Cacao qu'elle a conservé plus de 40 ans. Les œuvres de la sœur dont certaines ont été encadrées ont fait l'objet d'une exposition à la Maison de la Culture de Sainte-Anne-des-Monts. Elle a vendu plus de 500 cartes de souhaits dont tous les profits ont été remis aux religieuses japonaises.
Sœur Marie-Ange se considère comme privilégiée de la vie qu'elle a eu et souhaite vivre encore plusieurs années. « Comme on se fatigue à vivre, on va aller jusqu'au bout », dit-elle, tout sourire avant de se retirer tranquillement entourée de quelques collègues qui sont toutes très fières de leur doyenne
http://www.hebdosregionaux.ca/bas-st-laurent/2012/03/08/100-ans-et-bien-vivante