Pétition des Acadiens à Winslow, le 11 septembre 1755.

Voici, d'après une lettre de Winslow, comment eut lieu l'embarquement forcé des malheureux Acadiens sur chacun des cinq vaisseaux arrivés de Boston :
" Je chargerai le père Landry, leur meilleur interprète, d'avertir ses compatriotes que nous avions décidé d'embarquer 250 personnes  le jour même, en commençant par les plus jeunes... J'ordonnai au capitaine Adams, assisté d'un lieutenant et de 80 officiers et soldats, de faire sortir des rangs 141 jeunes gens et de les escorter jusqu'aux transports.  J'ordonnai aux prisonniers de marcher.  Tous répondirent qu'ils ne marcheraient pas sans leurs pères...  J'ordonnai à toutes les troupes de mettre la baïonnette au canon et de s'avancer sur les Français.  Je commandai moi-même aux quatre rangs de droite, composés de 24 prisonniers de se séparer du reste.  Je saisis l'un d'eux qui empêchait les autres d'avancer, et je lui ordonnai de marcher.  Il obéit et les autres suivirent, mais lentement.  Ils avançaient en priant, en chantant, en se lamentant; et sur tout le parcours d'un mille et demi, les femmes et les enfants venus au-devant d'eux priaient à genoux et faisaient entendre des lamentations.  Puis ce fut le tour de 89 hommes mariés, ce qui porte à 230 le nombre de prisonniers mis à bord ce jour-là."

Justement alarmés de la tournure que prenaient les affaires, les Acadiens avaient adressé à Winslow, le 11 septembre 1755, une supplique où il était dit :
" À la vue des maux qui semblent vous menacer de tous côtés, nous sommes obligés de réclamer votre protection et vous prier d'intercéder auprès de Sa Majesté, afin qu'elle ait des égards pour ceux qui ont inviolablement gardé la fidélité et la soumission promise à Sa Majesté... qu'il nous soit au moins permis d'aller dans tous les endroits où nous trouverons des compatriotes, nous engageant à nous déplacer à nos propres frais et qu'il nous soit accordé pour cela un délai raisonnable.  De plus cette faveur nous permettrait de conserver notre religion à laquelle nous sommes profondément attachés et pour laquelle nous sommes contents de sacrifier nos biens."

Le jour même qu'il recevait cette pétition, Winslow écrivit :
" Tout va bien, en dépit des lamentations des femmes et des enfants; les prisonniers qui sont à terre sont renfermés le jour dans l'enceinte palissadée; le soir, on les renferme dans l'église; ceux qui sont à bord se plaignent de la faim."

On invita les femmes et les enfants à apporter de la nourriture, ce qu'ils firent pendant plus d'un mois.  Winslow avoue ingénuement que, ne recevant pas de vivres, lui et ses hommes se nourrissaient des provisions que les femmes et les enfants apportaient pour les leurs.

Pour en connaître davantage sur tout ce qu'ont souffert les malheureux Acadiens, on peut lire :
" La tragédie d'un peuple " de Émile Louvrière,
" Acadie " de Richard,
" Le martyr d'un peuple " de Léon Ville,
" Par le fer et par le feu " de Léon Ville.

Élie de Salvail, fec, 366 Anniversaires Canadiens, 1929.